Vers un modèle de l'usager auto-entrepreneur de sa santé mentale ?

Regular Section “Public Health Issues” / Rubrique “Enjeux de santé publique”
Par Camille Veit
Français

Cet article propose une lecture, sous un versant épistémologique, des effets introduits par le néolibéralisme sur le champ de la santé mentale et, plus spécifiquement, la place de l’« usager ». Le « fou » de l’âge classique a cheminé, aussi bien dans la langue que dans les lieux, au fil des paradigmes de la psychiatrie. Il accéda finalement au statut d’« usager » dans le vent des dispositifs de santé mentale en émergence dès le milieu du XXe siècle. Ce cheminement ne peut se lire indépendamment de l’expansion de discours critiques sur les modes de gouvernement de l’individu. La contestation des modèles asilaires, dont l’antipsychiatrie anglaise est une illustration, s’engage en effet sur fond de prise de pouvoir individuelle et refus d’un maître. De ce terreau émerge un nouvel étalon, celui d’un usager gestionnaire de ses soins et entrepreneur de lui-même, à l’image du statut d’auto-entrepreneur, bouture néolibérale. Le présent article propose une lecture de cette discursivité à la lumière des pensées de Michel Foucault et de Jacques Lacan. Dans cette organisation, la santé mentale s’inscrit comme production d’une auto-entreprise alimentée par une complémentarité de savoirs en libre-circulation, suivant une économie de marché. Le caractère intenable de ce discours, où la dimension de l’insu semble exclue, se manifeste dans ses effets sur le sujet et les paysages du soin. L’insu exclu réapparaîtrait, par exemple, à travers les patients dits « résistants au traitement », figures d’une subjectivité en résistance.

Mots-clés

  • usager en santé mentale
  • théorie des discours
  • discours du capitaliste
  • néolibéralisme
  • antipsychiatrie
Voir l'article sur Cairn.info