Notes sur la radicalisation adolescente

Feature section “Subjectivity and Political Dimension” / Dossier “Subjectivité et politique”
Par Michèle Benhaïm, Nadim El Malki
Français

L’adolescence est une crise existentielle, un passage, une construction. C’est un passage éthique, une éthique du renoncement, c’est l’âge du malaise, c’est enfin un moment politique de la subjectivation parce que grandir est en partie déterminé par le social. Aujourd’hui, pour nombre d’adolescents, les dimensions constructives du grandir, du devenir, semblent être en panne ou mises à mal par les modes d’échanges familiaux contemporains d’une part, par le discours sociopolitique ambiant d’autre part.
Un discours qui dit ce qu’il faut faire pour être un homme ou une femme bien, un père ou une mère adéquat, est un discours qui donne une forme au rapport au monde. Quoi de plus logique pour certains adolescents désorientés que de s’en remettre à ce type de discours pouvant faire fonction de bouée de sauvetage ? Le problème va relever de la dérive radicale, lorsque la pulsion se met au service de la mort de l’autre. Radicalisation, assurément, est le nom d’un désastre. Désastre auquel s’associe un climat que nous qualifierons volontiers de « traumatique » au sein duquel il s’agit pourtant de maintenir un certain travail de l’esprit, aussi fragile fût-il face aux forces aujourd’hui déchaînées.
La radicalisation parle autant des impasses de la modernité que du désarroi profond du sujet contemporain. Elle témoigne de l’adolescence, moment cruel de métamorphose, le plus sensible pour ce qui touche à la construction du sujet.
Symptôme d’apparition récente, la radicalisation est venue s’adjoindre aux deux symptômes tragiques du juvénile, la toxicomanie et la délinquance. Tout comme eux, elle éclaire par un effet de loupe, propre au pathologique, les subtils mécanismes en jeux chez tout adolescent.
L’objet du propos portera surtout sur cette période toute particulière de l’existence et plus précisément sur ce qui sous-tend toute radicalisation, à savoir la radicalité adolescente, ce rapport éthique à l’existence qui se veut sans compromis, sans concession ni faux-semblants, qui de nos jours trouve une allure religieuse « islamique ».

Mots-clés

  • radicalisation
  • radicalité
  • adolescence
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