« Diabolus in psychopathologia », ou crime, perversité et folie
Résumé
L’auteur constate qu’à chaque fois que des crimes semblent liés à des troubles psychiques qu’il est difficile de mettre en évidence du point de vue de l’opinion publique, se repose la question du « diabolique » dans la psychopathologie, alors même que cette question est supposée avoir été réglée. Il compare trois moments des réflexions à ce propos : 1) l’apparition de la notion de monomanie ou « folie partielle » à une époque où les cadres de l’ancien régime se sont écroulés ; apparaît alors une distinction d’une grande pureté entre une catégorie diagnosticable par les seuls spécialistes (la monomanie), et le domaine de l’opinion, des bons sentiments (le prétoire, le domaine public en général). 2) le moment de l’appropriation médicale des perversions, qui vient rajouter un volet supplémentaire la question des « folies invisibles » ; il est caractérisé par l’hésitation entre d’un côté la figure « libérale » du pervers ni fou, ni moralement inférieur (Lasègue, Krafft-Ebing), caractérisé par une « sensibilité anormale » non modifiable, et d’autre part la « perversité constitutionnelle » (Dupré, puis Henri Ey) donnée comme présente à la fois dans les tendances paraphiliques les plus diverses et dans l’ensemble des formes de délinquance. 3) la situation actuelle où, malgré (?) le réductionnisme qui tend à prévaloir en matière de psychopathologie on a vu réapparaître au moins trois tableaux psychopathologiques à propos desquelles une intention de nuire proprement maléfique sinon diabolisante a été évoquée : personnalités multiples, meurtriers en série, « pédophiles ». Nous concluons que la difficulté persistante de la psychopathologie à rendre compte d’ agirs socialement réprouvables par des sujets présentant une pathologie psychique incontestable mais peu visible semble liée à trois facteurs relativement constants : le refus de la spécificité des vécus psychotiques, l’inquiétude croissante devant les transformations des limites entre la vie publique et privée, et la projection sur certains individus de mécanismes de déresponsabilisation sociale.
Mots-clés
- criminologie
- histoire
- diabolisation
- psychanalyse
- monomanie
- délinquants sexuels
- suivi post-pénal
- droit pénal
- éthique