La schizophrénie, pathologie de la conscience ?

Par Charles-Siegfried Peretti, Marie-Victoire Chopin
Français

L’étude de la conscience dans la schizophrénie présente l’originalité d’opérer un retour sur les thèses d’un grand psychiatre français classique, Henri Ey. En effet, cet auteur considérait la schizophrénie comme une pathologie de la conscience, et lorsque Henri Ey déclarait que « Le fou n’a pas conscience de sa folie » il entendait que la maladie mentale touche à la liberté mais aussi l’identité de l’individu et les conséquences déficitaires de la maladie au plan des habiletés sociales. On perçoit la grande modernité de ce type de conception, et les approches les plus abouties de la neuropsychologie cognitive ont permis de redonner vie à ces textes un peu trop vite oubliés. C’est à Jean-Marie Danion que revient le mérite d’avoir conceptualisé l’étude des troubles de la conscience dans la schizophrénie, son modèle avance que les troubles de la conscience autonoétique sont au centre des manifestations de la maladie. Il s’agit d’une véritable alternative au modèle de Nancy Andreasen, qui conçoit la schizophrénie comme une dysmétrie cognitive. La conscience autonoétique est définie comme une forme particulière d’état de conscience dans laquelle la remémoration consciente d’un événement par le sujet fait appel à la mémoire en se référant directement au vécu d’apprentissage de l’information à laquelle il a été confronté dans le passé. Par exemple, dans le souvenir des détails d’un contexte précis tel qu’une rencontre avec une personne que l’on ne connaît que depuis peu, nous sommes capables de nous rappeler son nom, son métier et les circonstances de la dernière rencontre, nous mettons alors en oeuvre notre mémoire autonoétique. En revanche, si nous rencontrons la personne et que nous ne nous rappelons pas son nom, son métier ou la dernière fois que nous l’avons vue mais que nous ressentons seulement un sentiment de familiarité, nous ne mettons pas en oeuvre notre conscience autonoétique. Ce type d’approche expérimentale dite « à la première personne », par opposition aux approches antérieures dites « à la troisième personne », est caractérisée par le fait que l’expérimentateur ne se pose plus en troisième personne dans l’expérience à laquelle le sujet est soumis, mais tente d’évaluer objectivement l’expérience subjective.

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