La sexualité a-t-elle un passé ?

De l'érôs grec à la sexualité contemporaine : questions modernes au monde antique
Par Sandra Boehringer
Français

La façon de percevoir l’amour et la sexualité des sociétés grecque et romaine est fort différente de celle des sociétés occidentales contemporaines en ce que l’identité de sexe des individus n’entre que peu en considération pour caractériser l’érotisme et les plaisirs. Dans la poésie archaïque (VIIe-VIe siècles avant notre ère), les poètes insistent avant tout sur les effets d’érôs et sa force, en évoquant les atteintes sur le corps de la personne touchée (celle qui aime) et les sensations paradoxales qu’elle ressent (sensation de dissolution, perte des repères, douceur). Dans ces contextes, l’émotion et le désir caractérisent indistinctement les amours entre hommes et jeunes hommes, entre femmes, entre homme et femmes. Au IVe siècle, dans un passage du Banquet devenu célèbre pour son évocation de la figure de l’androgyne, Platon élabore un mythe philosophique qui, loin d’expliquer l’origine d’une anachronique « hétérosexualité » ou « homosexualité », déploie les facettes d’un erôs comme élan. Ces approches du monde antique, avec l’outil du genre, permettent d’historiciser les catégories de sexe et de sexualité et, par effet de conséquence, mettent en évidence la dimension culturelle et construite – la dimension politique – de la sexualité contemporaine.

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