Altération du self et schizophrénie : structure, spécificité, pathogénèse

Usages contemporains de la phénoménologie  : psychiatrie, psychanalyse, neurosciences/Contemporary Uses of Phenomenology : Psychiatry, Psychoanalysis, and the Neurosciences
(Problèmes actuels, nouvelles orientations)
Par Louis A. Sass
Français

Résumé :
Cet article propose une révision générale et des éclaircissements sur l’hypothèse de l’altération de l’ipséité ou du trouble du self, en ce qui concerne la schizophrénie, qui se concentrent sur certaines recherches et élaborations théoriques récentes et recommandées. Il est nécessaire d’élargir la recherche et la théorisation dans plusieurs directions, afin de préciser davantage, en premier lieu, ce qui est vraiment caractéristique du spectre de la schizophrénie ; deuxièmement, afin d’explorer la structure interne et la capacité explicative de cette prétendue altération de l’expérience du self élémentaire ou essentiel ; troisièmement, afin de produire des hypothèses vérifiables en ce qui concerne les voies pathogéniques et les interventions psychothérapeutiques.
Les études comparatives sont en mesure de produire un apport scientifique crucial. Quelques études exploratoires récentes sont ici décrites : des rapports publiés ont été examinés au sujet des altérations de l’expérience du self dans des états qui se situent en dehors du spectre de la schizophrénie – la manie, la dépression psychotique et le trouble de dépersonnalisation – et dans une position relevant d’une attitude peu commune : l’introspection intensive (telle qu’elle a été élaborée dans la recherche psychologique du début du XXe siècle). Des similitudes remarquables (p.e. l’aliénation ou la réification des idées et de l’expérience corporelle, la disparition du self et du monde), ainsi que certaines différences importantes (p.e. l’absence, en dehors de la schizophrénie, d’une grave érosion de l’expérience du self élémentaire ou d’une confusion du self et de l’autre) ont été trouvées dans différents types d’anomalies du self. Ces éléments confirment, mais aussi précisent, le modèle de l’altération de l’ipséité. La recherche, dans l’avenir, devrait considérer l’expérience du self comme une variable indépendante, contrôler et mesurer cette dimension (dans les populations schizophrène et non schizophrène) afin d’étudier ses rapports avec les anomalies de la cognition, de l’affect, de l’expression et du fonctionnement neuronal déjà identifiées dans la schizophrénie.
Le modèle du trouble du self apporte une perspective intégrale et dynamique de la schizophrénie qui est compatible avec de nouvelles tendances de la neuroscience cognitive et est cohérente avec la nature hétérogène, variable et holistique de cette maladie énigmatique.

Mots-clés

  • schizophrénie
  • psychologie
  • philosophie
  • soi
  • troubles de l’ipséité
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