En apparence antinomiques, fiction et journalisme de guerre sont toutefois liés. Déclinée sous plusieurs formes et adoptant différentes fonctions, l’incursion de la fiction dans le reportage – et plus encore dans le photoreportage – interroge. La conception classique du journalisme est associée à une mission et à une éthique spécifiques, à savoir la quête de vérité, l’instantanéité et le témoignage. Il convient d’analyser la fonction métaphorique des éléments fictionnels au sein du domaine journalistique. Quelles réalités représentent-ils ? En quoi révèlent-ils des bribes du réel de la guerre et du réel du travail de l’information ? À la lumière des apports de la psychologie, de la psychanalyse, de la philosophie et de l’histoire du journalisme, articulés à trois cas publics de révélation de reportages créés et à des entretiens menés dans le cadre d’une recherche à propos des enjeux psychiques et psychopathologiques chez les journalistes de zones à risques, il s’agira d’analyser la place et les fonctions de la fiction dans le processus journalistique. Dans cette perspective, la quête de l’aura (Benjamin, 1931) dans le règne de l’information sera évoquée, suivie d’une analyse du recours à la fiction lorsqu’elle est présentée comme vraie dans les reportages truqués et fabriqués. Sera ensuite abordée l’esthétisation de la violence en tant que fiction et son rapport au réel. Enfin, la thématique de la fiction en négatif – de la fiction créée par la suppression d’éléments clefs dans une scène – sera étudiée afin de tenter de saisir ce qu’elle révèle de son créateur et du contexte individuel et collectif dans lequel il évolue.